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UN NOUVEAU STATUT UNIQUE ET PROTECTEUR DE L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL ...

Dernière mise à jour : 31 mai 2022

UN NOUVEAU STATUT UNIQUE ET PROTECTEUR DE L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL (EI) : MENTIONS OBLIGATOIRES ET CONSECRATION D’UN PATRIMOINE PROFESSIONNEL


Avant-propos : certaines des informations communiquées ci-après sont données à titre purement prospectif.


La loi n°2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante est entrée en vigueur le 15 mai 2022.


Actuellement, un entrepreneur individuel ne dispose que d’un seul patrimoine, composé tant de biens personnels que de biens professionnels (sauf s’il a opté pour le statut d’EIRL qui permet à l’EI de déclarer le patrimoine qui est affecté à son activité professionnelle).


Or, cette nouvelle loi vient créer un statut unique de l’EI qui créé automatiquement une distinction entre son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel.


De fait, ce nouveau statut unique de l’EI entraine donc la suppression du statut d’EIRL (le statut reste bien évidemment valable pour les entreprises déjà existantes).


Ce nouveau statut s’appliquera donc :


- aux personnes qui déclarent une activité en tant qu’indépendant à compter du 15 mai 2022,


- ainsi qu’aux entreprises individuelles déjà créées mais uniquement pour les créances (sommes d’argent dues aux créanciers) nées après le 15 mai 2022 (celles nées avant restent soumises au droit antérieur).


La finalité de cette loi consiste à limiter le gage (garantie) des créanciers professionnels de EI à son seul patrimoine professionnel, garantissant ainsi la protection de son patrimoine personnel.


Il est donc essentiel de voir apparaître certaines mentions obligatoires sur les supports relatifs à l’activité professionnelle (I) afin de garantir l’étendue de ce patrimoine professionnel (II) dont la protection n’est pas pour autant absolue (III).


I. « Entrepreneur individuel » ou « EI » : une mention obligatoire sur les documents et correspondances à usage professionnel


Le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 relatif à la définition du patrimoine professionnel de l’EI et aux mentions sur les documents et correspondances à usage professionnel est venu préciser les dispositions de l’article 1er de la loi nouvelle, en mettant notamment à jour les mentions obligatoires à faire figurer sur les documents et correspondances à usage professionnel.


Désormais, pour l’exercice de son ou ses activités professionnelles indépendantes, l’EI doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI » (article R. 526-27 C. Com.).


Cette dénomination devra figurer sur les documents et correspondances à usage professionnel de l’EI.


Quelques exemples de supports qui devraient nécessiter l’ajout de cette mention obligatoire : factures, devis, site internet, papier à entête, signature de mail, tarifs, flyers publicitaires, cartes de visite, tampons, chèques (émis et reçus), correspondances, récépissés…


La dénomination doit également figurer dans l’intitulé de chaque compte bancaire ouvert par l’EI et dédié à son activité professionnelle.


Le non-respect de cette obligation sera sanctionné pénalement par une amende de quatrième classe d’un montant de 750 euros (art. R. 123-237, dern. al. C. Com.).


Il sera probablement fait preuve d’une certaine indulgence quant à la mise en application effective de cette sanction et qu’un délai raisonnable sera laissé aux entrepreneurs individuels pour mettre à jour ces mentions obligatoires sur l’ensemble des supports concernés.


II. Une dualité de patrimoines pour l’EI


Avant le 15 mai 2022, un EI ne disposait que d’un seul patrimoine composé de ses biens personnels et de ses biens professionnels, sauf s’il avait opté pour le statut d’EIRL (qui prévoyait un patrimoine affecté à l’activité professionnelle).


La nouvelle loi prévoit désormais pour l’EI, l’instauration d’un patrimoine professionnel automatiquement distinct de son patrimoine personnel. Les éléments du patrimoine de l'EI non compris dans le patrimoine professionnel constitueront donc son patrimoine personnel (C. com. art. L 526-22 nouveau, al. 2).


Contrairement aux règles qui régissaient le statut de l’EIRL, l’EI voit désormais s’opérer une séparation entre ses patrimoines professionnel et personnel sans aucune déclaration d’affectation à réaliser.


Seuls les biens qui seront considérés comme « utiles » à l’activité ou aux activités professionnelles indépendantes de l’EI seront inclus dans son patrimoine professionnel. Le bien n’a pas besoin d’être « exclusivement » utile à l’activité professionnelle.


Ces biens utiles à l’activité ou aux activités indépendantes constituent donc le gage (garantie) des créanciers professionnels, tandis que les autres biens (qui sont donc considérés comme personnels) constituent le gage (garantie) des créanciers personnels.


L’article R. 526-26 C. Com. dresse 5 listes non exhaustives des biens qui intègrent le patrimoine professionnel de l’EI puisqu’ils sont utiles à l’activité professionnelle de par leur nature, leur destination ou en fonction de leur objet.


Ex : le fonds de commerce, le matériel, l’outillage, le droit de présentation à la patientèle, les biens immeubles servant à l’activité (cabinet, local, y compris la partie de la résidence principale de l’EI utilisée pour un usage professionnel), toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité…


Ce critère de la simple utilité pourra s’avérer source de difficultés en pratique particulièrement en ce qui concerne les biens à usage mixtes. Ex : si vous utilisez votre véhicule à des fins professionnelles et personnelles, celui-ci risque de se voir intégré dans le patrimoine professionnel.


Concernant la résidence principale de l’EI, il convient de rappeler que la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (aussi dénommée « loi Macron ») a instauré une insaisissabilité de plein droit de la résidence principale des entrepreneurs individuels mais prévoit que lorsqu’une partie de la résidence principale est utilisée pour un usage professionnel, seule la partie non utilisée pour cet usage professionnel est de droit insaisissable.


S’agissant de la détermination de ce qui intègre ou non le patrimoine professionnel, la charge de la preuve du caractère « utile » à l’activité professionnelle indépendante incombe à l’EI.


Ex : l’EI qui ne détiendrait pas un compte bancaire distinct pour son activité professionnelle (dont le libellé laissera apparaître la mention « entrepreneur individuel » ou « EI ») pourrait voir ses créanciers professionnels saisir toutes les sommes de son compte bancaire personnel sans distinction.


La preuve de la composition du patrimoine professionnel de l’EI pourra également être établie par des documents comptables sur lesquels figurent les éléments d’actif et de passif de l’entreprise, sous réserve de la régularité et de la sincérité de la comptabilité établie.


La preuve de la rémunération issue de l’activité professionnelle indépendante pourra également se faire par des documents comptables et donc être incluse automatiquement dans le patrimoine personnel de l’EI qui sera protégé.


Le patrimoine personnel de l’EI devient désormais par défaut insaisissable par les créanciers professionnels sous toute réserve que la délimitation du patrimoine professionnel ait été minutieusement définie par ce dernier avec les outils mis à sa disposition par le législateur.


III. Les tempéraments apportés à la protection du patrimoine personnel de l’EI


Le principe de séparation des patrimoines de l’EI qui garantit la protection de son patrimoine personnel emporte tout de même certaines exceptions prévues par la loi du 14 février 2022.


1) Non-rétroactivité des dispositions de la loi nouvelle


Les créanciers de l’EI dont la créance sera née avant le 15 mai 2022 bénéficieront encore d’un droit de gage général (garantie) qui portera sur l’ensemble des patrimoines de l’EI (puisqu’avant la réforme l’EI n’avait qu’un seul patrimoine global, professionnel et personnel confondus).


Autrement dit vos dettes contractées avant le 15 mai 2022 ne pourront donc pas bénéficier de l’application de la protection du patrimoine personnel.


Ex : si vous avez contracté un prêt professionnel sur 5 ans en 2020, et que vous rencontrez des difficultés pour le rembourser en 2024, votre patrimoine personnel sera saisissable car la créance de la banque date d’avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.


2) Au bénéfice des créanciers personnels de l’EI :


Si le patrimoine personnel de l’EI ne permet pas aux créanciers personnels de se voir payés, en principe ces derniers ne devraient pas avoir de recours sur le patrimoine professionnel de l’EI compte tenu de la délimitation entre ces deux masses patrimoniales.


Néanmoins, une exception est apportée à ce principe puisque lorsque le patrimoine personnel de l’EI sera insuffisant pour payer les créanciers personnels, le droit de gage (garantie) de ces derniers pourra également s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos (art. L.526-22 al6 C. Com.).


3) Au bénéfice de certains créanciers spéciaux de l’EI :


Les créanciers spéciaux visés sont : l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale.


Le droit de gage (garantie) de l’administration fiscale et des organismes de sécurité social porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel dans plusieurs situations (article L.526-24 C. Com) :


- en cas de manœuvre frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales que ce soit à titre professionnel ou personnel ;

- en cas d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales ;

- pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ou encore de la taxe foncière relative aux biens utiles à l’activité professionnelle.


4) La renonciation à la protection du patrimoine personnel


La protection du patrimoine personnel de l’EI n’est pas un principe absolu puisque lorsque celui-ci souhaitera obtenir un financement, il aura la faculté de renoncer à cette protection si sa banque lui demande, dans les conditions de l’article L.526-25 C. Com.


En effet, l’EI pourra renoncer à la limitation du gage de ses créanciers professionnels à son seul patrimoine professionnel, sur demande écrite de l’un d’eux pour un engagement spécifique dont il devra rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable.


Ex : l’EI qui souhaite faire un emprunt en vue de l’acquisition de matériel dans le cadre de son activité, pourra renoncer à limiter la garantie de sa banque à son seul patrimoine professionnel.


Cette renonciation devra, à peine de nullité, respecter un formalisme strict (art. D. 526-28 C. Com.) et l’observation d’un délai de réflexion de 7 jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation adressée par le créancier, qui permettra à l’EI de mesurer le risque qu’il assume s’il prend cette décision.


Concernant la protection de la résidence principale mise en place par la loi Macron de 2015, il convient de préciser qu’une dérogation est également possible puisque l’EI peut, à tout moment, renoncer à l'insaisissabilité de droit de tout ou partie sa résidence principale.


Ce qu’il faut retenir :


Le nouveau statut unique de l’EI, créé par la loi du 14 février 2022, apparaît comme une protection efficace du patrimoine personnel de l’EI sous toute réserve qu’il définisse précisément la délimitation de celui-ci avec son patrimoine professionnel (en faisant bonne application des mentions obligatoires à faire apparaître sur un certain nombre de supports), ainsi que des tempéraments susvisés.


Afin d’éviter toute remise en cause de la délimitation de votre patrimoine personnel, nous vous conseillons dans un premier temps :

- d’entamer dès maintenant les démarches nécessaires auprès de votre banque afin que la mention obligatoire « entrepreneur individuel » ou « EI » soit ajoutée au libellé de votre compte bancaire professionnel dédié,

- procéder à l’ajout de l’EI sur vos documents et correspondances professionnels (devis, factures, lettres à entête, signature de mails adressés lors de vos commandes fournisseurs, tarifs, site internet…)


Dans un second temps, et après épuisement de vos stocks déjà existants, il conviendra d’ajouter la mention « entrepreneur » ou « EI » sur vos cartes de visite, tampons etc.


Un éclairage jurisprudentiel viendra naturellement apporter des précisions sur l’application de cette loi car sa mise en œuvre pourrait amener au départ à certaines interrogations pratiques.


Nous veillerons à vous tenir informés des évolutions pratiques qui seront apportées dans les mois à venir.


Anne-Victoire ROSTAGNAT

Juriste et collaborateur de mandataires judiciaires

Aix-en-Provence

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