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LE FEU PLANTAIRE DU CYCLISTE

Résumé :

Il existe des pathologies quasiment exclusives à la pratique du cyclisme au rang desquelles figure le « feu plantaire ». Elle tire son nom de la description qu’en fait le patient à la consultation puisqu’il dit qu’il a les pieds en feu …

Cette pathologie aussi bénigne que méconnue peut pourtant devenir extrêmement invalidante pendant la pratique et même cause d’abandon devant des douleurs devenues insupportables.



Introduction :


Il est surprenant pour bon nombre de podologue d’imaginer que des indications thérapeutiques podologiques existent dans la prise en charge des cyclistes de tous niveaux. L’absence du déroulé du pied du cycliste dans sa pratique amène souvent le thérapeute à penser que le podologue n’a pas sa place dans cette prise en charge.

Pourtant les indications fonctionnelles sont nombreuses tant la répétitivité d’un geste « anormal » peut devenir pathogène.

Ainsi si on compare la gestuelle Le cycliste à celle du coureur à pied, le cycliste a une fréquence fonctionnelle bien plus élevé de l’ordre de 30% en plus.

Par exemple il faudra 1.5 seconde au Runner pour effectuer un cycle (foulées droite et gauche), contre 1 seconde au cycliste pour effectuer un tour de pédalier complet, ainsi dans un temps donné le cycliste exécute donc 1/3 de répétitions en plus dans sa gestuelle.

La fréquence et la vitesse peuvent augmenter (endurance, résistance, sprint …) avec des cycles qui s’exécutent plus ou moins vite, le cycliste garde toujours cette prévalence de cadence 30% plus élevé que le Runner. La répétitivité du geste étant est un facteurs nosologique important on constate donc que le cycliste est un sujet plus exposé que le Runner pourtant déjà très exposé.

Ainsi la fréquence des pathologies mécaniques du cycliste est importante et La plupart des douleurs communes aux « bipèdes debout » sont transposables aux « bipèdes assis » que sont les cyclistes dans les diagnostics fonctionnels courant du rachis, de la hanche, du genou et du pied.

Le cycliste présente de surcroit nombre de pathologies « techniques » liées au couple homme/ velo ces pathologies sont appelées technopathie, terme consacré à tous les couples que font tous les sportifs avec leurs « outils » (raquette, ski, kayak, perche …. ) et dont l’aspect technique peut engendrer la pathologie …


Le cycliste peut donc souffrir :

  • Des pathologies communes à tous les bipèdes

  • Des pathologies communes à sa vie de couple avec sa bicyclette.

  • Mais aussi de pathologies « quasi » exclusives au rang desquels figure le feu plantaire.


Interrogatoire :


Cette pathologie d’une description « récente » tire son nom de la verbalisation du cycliste a la consultation et bien avant la physiopathologie mieux vaut la décrire par son déroulé clinique.

Ainsi le cycliste vient à la consultation en disant « après une heure de vélo, je commence à sentir une gêne sous les pieds, et puis après quelques minutes la douleur devient vite insupportable et je suis obligé d’enlever mes chaussures j’ai l’impression d’avoir les pieds en feu … »

Bien sûr, a l’interrogatoire, on retrouvera des facteurs aggravants, et le cycliste avec ses mots avancera ses soupçons sur le volume de sa chaussure qui peut lui paraitre trop serré, sur l’aération du sa chaussure qui lui semble insuffisante mais surtout sur les conditions climatiques et la chaleur qui sont des facteurs décuplant la survenue des symptômes.

Cette pathologie étant souvent méconnue le cycliste aura vite fait d’essayer des parades, arrosage de ses pieds avec l’eau du bidon, trou à la perceuse dans la chaussure pour essayer d’améliorer la ventilation ou encore usage de crème rafraichissante … tous ces remèdes de grands- mères s’avèreront souvent inefficaces …


Examen clinique :

La particularité de cette pathologie est que l’examen clinique « à froid » est rigoureusement normale et qu’aucun signe clinique ne permet de faire le diagnostic en direct. Pas de signe clinique d’appel et encore moins de signe pathognomonique.


Diagnostics différentiels

La normalité de l’examen clinique est un signe en soit et l’existence de signe clinique oriente justement vers les diagnostics différentiels que peuvent être :


  • Fracture osseuse vraie, le mode de survenue, l’impotence réelle et les signes inflammatoire associée excluent d’emblée cette pathologie

  • Fracture de fatigue, extrêmement rare chez le cycliste, a fortiori encre plus au niveau des pieds et dont la verbalisation serait très différente de l’interrogatoire du feu plantaire. Un examen clinique bien mené mettrai même à jour une douleur osseuse vraie excluant le feu plantaire.

  • Syndrome ou maladie de Morton dont l’expression a l’interrogatoire est bien sur différente avec des verbalisations volontiers plus neurologiques et qui laisseront apparaitre des signes de compressions associés, signe de la sonnette, signe de GAENSLEM, signe de MUDLER. La clinique mettra en avant un syndrome canalaire absent dans le feu plantaire, soit direct avec un névrome Vrai, soit indirect avec un « syndrome de masse » dans le syndrome de MORTON

  • Fissuration de plaque plantaire autrefois appelé syndrome douloureux du 2ème rayon, cette dégradation du lien ligamentaire plantaire de l’articulation métatarso-phalangienne peut d’ailleurs siéger sur d’autre AMP que la deuxième et fait l’objet d’un diagnostic clinique précis devant une douleur a la palpation de la base de la plaque plantaire dans une manœuvre mise en tension de cette dernière. La découverte de cette douleur précise exclu donc un feu plantaire

  • Métatarsalgies mécaniques communes, ces douleurs mécaniques liés a l’excès d’appui sur les têtes métatarsiennes ont une verbalisation qui peut paraitre voisine a la brulure décrite, toutefois à l’inverse du feu plantaire la métatarsalgie mécanique s’accompagne volontiers de kératopathies associées et souvent une expression douloureuse à la ville ce qui n’est pas le cas du feu plantaire…

  • Métatarsalgies inflammatoires, ces douleurs articulaires vraies qui peuvent accompagner des tableaux rhumatismaux auront bien sur une expression a la ville mais aussi et surtout un horaire inflammatoire complétement indépendant des sorties cyclistes

  • Les pathologies dermatologiques auront toutes une composantes visuelles cliniques absentes dans un feu plantaire et feront l’objet d’un diagnostic d’exclusion visuel avec des pathologies :

- Mécaniques comme les kératopathies (durillons, cors milliaires) ,

- Dyshidrosique comme l’eczéma,

- Fongiques comme les mycoses,

- Septiques comme la keratolyse ponctuée

- Vasculaire comme un ulcère

- Mixte comme un mal perforant plantaire

- Virale comme les verrues …


Les examens paracliniques :


Comme à l’examen clinique les examens complémentaires seront tous rigoureusement normaux pour l’imagerie médicale, Radio, IRM, Scanner, Echographie tous normaux ou orientant vers des diagnostics différentiels en cas de positivités

Les examens paracliniques podologiques spécifiques, podométrie, plateforme de force, accéléromètres, gyroscopes, camera 3D etc. … seront évidemment inopérant dans cette pathologie.


Physiopathologie :


Il faut donc accepter que le patient présente une douleur de fonction aussi invalidante que passagère et ce, sans aucun signe clinique discriminant … et que seul l’interrogatoire pourra nous mettre sur la voie.

L’origine de cette pathologie est donc vasculaire… mais elle ne s’exprimera pas dans la distribution sanguine des gros troncs artériels ; ni dans les éléments de retour veineux, mais bien dans les capillaires cutanés qui jouent un rôle essentiel dans l’homéostasie et notamment dans la thermorégulation.

Rappels vasculaires :


Le cœur distribue le sang a tous nos tissus et organes pour leur

bonne oxygénation. Quand le sang est expulsé du cœur gauche dans le système artériel après l’éjection systolique, il doit revenir vers le cœur droit par le système veineux pour continuer son cycle vers les poumons qui vont le réoxygéner avant de le renvoyer vers le cœur gauche pour recommencer un nouveau cycle.

Ce « retour » vers le cœur est donc baptisé retour veineux.

L’éjection du sang artériel est soumise à une pompe mécanique direct avec les contractions cardiaque, mais le retour veineux ne bénéficie pas d’un seul acteur pour ramener le sang vers le cœur et il est le concours de multiples facteurs associés :

  • La pression permanente (tension diastolique) qui reste dans le circuit vasculaire et contribue pousser le sang vers le cœur.

  • L’aspiration diaphragmatique / qui accompagne l’inspiration pulmonaire qui agit comme une seringue qui aspire le sang vers haut

  • La semelle plantaire de LEJARS qui propulse littéralement le sang vers le cœur aidé par son système de clapet anti-retour que sont les valvules veineuses

  • Les contractions musculaires qui compriment les veines et renvoie le sang vers le cœur


Tous ces éléments associés permettent le bon retour veineux et donc la bonne circulation sanguine.

Toutefois la circulation n’a pas pour seul but d’oxygéner les tissus mais elle joue aussi un rôle dans la régulation de la température du corps.



Rappels thermorégulation :


Pendant l’effort sportif la température monte notamment à cause de la production de chaleur des muscles (thermogénèse) et le corps a besoin impérativement de la faire baisser (thermolyse) pour garder une température de fonction idéale.

La thermolyse est principalement organisée autour de sudation qui

fait évacuer la transpiration chauffée pour tenter de refroidir le corps. Cette stratégie est amplifiée par les phénomènes de convections qui augmente les échanges sanguins dans la peau en ramifiant les zone d’échanges en contact avec la température extérieure pour tenter d’échanger des calories avec elle, a l’image d’un radiateur qui va transférer la chaleur du liquide qu’il contient à l’air ambiant (convecteur).



C’est dans ses éléments cumulés de circulation et de thermorégulation que le feu plantaire va trouver sa cause en impactant nombre de paramètres les uns après les autres pour saturer le système …

Ainsi sur le volet des freins circulatoire on listera chez le cycliste :


  • La position cycliste et l’angle fémur / tronc qui coude les artères et les veines à l’image d’un tuyau d’arrosage plié qui empêche la bonne distribution montante ou descendante du sang

  • Les contractions musculaires cyclistes moins vectrice de retour veineux qu’a la marche ou a la course

  • La fermeture du tronc qui nuit à la bonne ventilation est donc a l’effet de le seringue diaphragmatique

  • L’angle de la chaussure qui nuit à la tension max du mollet donc au drainage des veines saphènes

  • L’absence de déroulé du pied qui nuit au travail de la semelle de LEJARS

  • L’appui plantaire qui se fait sur une minime partie du pied et qui draine donc moins de sans sous cutanées

  • L’usage de cuissard serré a la ceinture et qui provoque une gêne au retour veineux


Sur le volet de la thermorégulation :

  • L’appui maintenu en quasi-permanence sur la peau plantaire crée une zone ischémique exsangue (image de l’empreinte plantaire sur le podoscope) qui empêche la convection de la thermolyse

  • La phase d’appui sur la pédale qui représente 60% du temps du cycles chez le cycliste ne représente que 40% chez le coureur, en d’autres termes le cycliste appui beaucoup plus longtemps sur ces pieds que le coureur ce qui laisse moins de temps à l’oxygénation dans la phase du tirage (oscillations en course)

  • Les matériaux utilisés dans la chaussures sont à fort coefficient thermique (carbone ++ ) par rapport aux EVA alvéolés des baskets

  • La chaleur renvoyée par le bitume et un facteur aggravant qui augmente la contrainte de la thermolyse.

Tous ces éléments cumulés nuisent donc à la thermolyse, le pied ne peut plus faire redescendre a température qui en augmentant est perçu comme un brulure pouvant devenir insupportable, le patient a l’impression que son pied prend feu.


Le traitement général :


En l’absence de cause unique, il faudra tenter de mettre toutes les chances du côté du cycliste :

  • Réduisant la cambrure de la chaussure

  • Ouvrant l’angle du tronc (en baissant la selle et relevant le cintre ) ce qui aura aussi pour action d’une part de moins contraindre les tronc sanguins pelviens et d’autre part de donner plus d’amplitude a la chaine postérieur et donc de recruter plus le système tricipitaux-plantaire améliorant l’effet de drainage du sang veineux.

  • Inciter le cycliste a tirer plus sa pédale et a inspirer plus fort ….

  • Choisir des chaussures mieux ventilées en été


Il est a noter que l’usage de chaussettes de contention en compétition est interdite au vélo considéré comme une pratique dopante.


Le traitement podologique :


Le traitement par semelles reste une excellente indication

Le thermoformage augmente la surface portante et diminue la pression sur l’appui antérieur, permet de stimuler la voute plantaire et d’amplifier le retour veineux en recrutant plus la semelle de LEJARS

Utilisation d’un matériau alvéolé a forte résilience qui va contrer la poussée du pied dans les phases intermédiaires permettant un meilleur drainage capillaire et donc une meilleure convection thermolytique.

Attention aux matériaux de recouvrement en EVA qui chauffe le pied et produise un effet contraire


Cas particulier et diagnostique associé :

Il existe une autre pathologie spécifique au cycliste qu’il faut connaitre et qui peut tout à fait s’exprimer elle aussi par des brulures ischémiques des pieds.

L’endofibrose iliaque externe est une pathologie vasculaire qui obstrue le tronc iliaque descendant à cause de la position coudée de l’artère entrainant une augmentation de la pression sur les parois de cette dernière en créant un bouchon fibreux obstruant.

Cette pathologie quand elle est déclarée prend une autre expression a l’interrogatoire ou le cycliste décrit une « grosse patte » dit qu’il « toxine » plus vite … il a le sentiment d’avoir la cuisse gonflée, lourde et incapable de fonctionner, cette sensation s’accompagne vite de douleur intense et l’impression de devoir couper le cuissard …

Quand ce tableau est ainsi décrit il ne pose pas de problème au thérapeute avertit qui confirmera le diagnostic avec une artériographie. Toutefois dans les phases débutantes, les freins au débit artériels peuvent se cumuler aux autres déséquilibrant la thermolyse peuvent déséquilibrer la thermolyse et prenant l’apparence d’un feu plantaire.

Il faut donc savoir penser a une endofibrose devant tout feu plantaire rebelle au traitement orthopédique bien conduit.


Conclusion :


Le diagnostic de feu plantaire est facile à condition de le connaitre.

L’élément fondamental est de se souvenir que l’examen clinique est muet et que l’interrogatoire fait souvent le diagnostic.

Cette pathologie s’exprime quasiment exclusivement à la pratique cycliste et peut parfois être décrite en stepper ou en elliptique.


Marc RETALI

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